Lille Saint So Bazaar : associer de potentiels utilisateurs à la programmation
Sur cette ancienne halle ferroviaire la question du modèle économique a été questionnée dès la conception.
La gare Saint Sauveur est située en plein cœur de Lille sur une friche de 23 ha qui a vocation à accueillir à terme un nouveau quartier plurifonctionnel avec une piscine olympique, un jardin et un grand « cours » sous la houlette de la chef de projet de la SPL Euralille, Raphaëlle Robiquet. Au cœur de ce quartier figurent deux anciennes halles ferroviaires de la Sernam. La première, déjà réhabilitée, abrite un restaurant et un cinéma. La seconde, partiellement rénovée, accueille un espace culturel. Le lieu est fortement animé grâce aux médiateurs de l’association Lille 3000 qui, en lien avec la Direction de la Culture de la Ville, organisent défilés de modes, convention de manga, expositions, foires de brocanteurs…
Le St So Bazaar prendra place dans la seconde partie de cette halle-parapluie qui sera réhabilitée grâce aux fonds du PIA Ville de demain, sur près de 4500 m².
Restait à définir la programmation de cette opération immobilière atypique. Les premières études de marché avaient bien démontré un besoin pour des petites surfaces d’activité et de bureaux, ou encore pour un lieu d’hybridation des différents pôles d’excellences Lillois. Mais pour ce projet ÉcoCité, les élus « ont eu envie de travailler autrement » comme en témoigne Yann Thoreau La Salle, directeur de projets à la direction générale des services de la ville de Lille en charge de ce projet : maintenir un principe d’utilité publique, pour un lieu hybride, dédié aux activités créatives, mêlant services partagés, lieux de production, espaces de rencontre...
La ville de Lille a alors pris l’option de consulter tous les potentiels porteurs de projets, invités à co-construire la programmation autour de quelques invariants :
le foncier restera propriété de la ville,
le projet ne sera pas un équipement municipal et devra trouver son propre modèle économique.
Un appel à manifestation d’intérêt est donc lancé en septembre 2016 et reçoit une trentaine de propositions d’acteurs associatifs, de promoteurs immobiliers, de collectifs de citoyens, d’artistes, ou d‘artisans. Parmi eux l’Ecole Nationale des Arts et Métiers, l’école d’architecture, une agence de promotion de la filière design…
Trois ateliers sont alors conçus et animé avec tous ces porteurs de projets potentiels par la ville de Lille, la SPL Euralille et une équipe de maîtrise d’œuvre urbaine emmenée par Claire Shorter de l’agence danoise Gehl - spécialisée dans une approche sociologique de l’urbanisme - et l’agence Béal & Blanckaert.
La programmation se construit alors « par tâtonnement », chacun étant dans un premier temps invité à présenter en quelques minutes son « saint so idéal » - le fait de participer ne donnant aucun droit à être accepté dans le lieu comme le souligne Dorothée Delemer, directrice adjointe à l’urbanisme et a l’aménagement de la ville de Lille. Viennent ensuite des temps de créativité collectifs sur les intentions programmatiques, puis de fonctionnement et de gouvernance. Apparaissent ainsi des besoins individuels et collectifs pour des bureaux sans nuisance où se côtoieront activités tertiaires et petite production, des espaces partagés de type coworking, d’autres espaces générant plus de nuisances avec de la production.
Un atelier sur les usages et services questionne l’intérêt de partager certaines ressources (machines, photocopieurs, traceur), la recherche d’une économie circulaire. De là viendra le besoin de discuter des modes de gestion : qui paierait les consommables ? Quelle serait l’unité de mesure des consommations ? Quels seraient les besoins en stockage, en services, en vitrines temporaires… Le thème de la convivialité s’invitera naturellement : voudrait-on un foyer ? Pourrait-on organiser des événements de promotion, des festivités ?
À l’issue des temps de production en groupe et de restitution collective (janvier à mars 2017), la maîtrise d’œuvre a proposé une programmation présentée aux élus en avril : le St So Bazaar prendra la forme d’un village d’espaces de co-working, de fabrication et de design avec des petites cellules d’environ 12 à 15 m2.
Et alors qu’on pensait être dans un montage classique avec la SPL Euralille, cette communauté en puissance a fait émerger la possibilité d’une gestion par un exploitant investisseur. Un projet à suivre…
Marie Laure Papaix